« Mon succès ? Un coup de chance. Des félicitations ? Ils ne sont pas exigeants, à moins qu’ils essaient de me manipuler. Un nouveau défi ? Cette fois, ils vont voir que je ne mérite pas leur confiance »… Ce dialogue interne vous est familier ? Il se peut que vous soyez atteint-e de ce que la psychologue américaine Pauline Rose Clance a défini, dans les années 1980, comme le « syndrome de l’imposteur ».

Un sentiment plutôt qu’une maladie

Rassurez-vous, ce n’est pas une maladie mais plutôt un sentiment qui toucherait de très nombreuses personnes (70% de la population selon les estimations), le plus souvent formées, reconnues comme compétentes mais qui, paradoxalement, doutent systématiquement d’être à la hauteur des tâches qui leur sont confiées. Elles ont le sentiment de tromper leur entourage et vivent dans la peur d’être démasquées. À ne pas confondre avec une simple expression de modestie ou avec les véritables imposteurs-manipulateurs qui eux, cherchent délibérément à abuser des autres.

Comment cela se manifeste-t-il au travail ?

Persuadé d’avoir des faiblesses inacceptables et de devoir les cacher à tout prix, l’imposteur se pense indigne de sa position et va se mettre une pression énorme. Dans sa tête, il doit constamment prouver ses compétences et ses exigences de perfection vis-à-vis de lui-même sont démesurées. Dès lors, toute tâche lui parait être une montagne ! « Je n’y arriverai jamais, je ne suis pas la bonne personne ». Le doute s’installe, ainsi que les remises en question drastiques. N’importe quelle critique fait mouche et déstabilise, mais en secret. Au dehors, rien ne se remarque, renforçant encore le sentiment de tricher vis-à-vis des autres. Pour compléter le tableau, l’imposteur a une perception biaisée de ses prestations, ne s’attribuant jamais les mérites de ses succès. Impossible alors de construire de la confiance.

Un produit de notre culture occidentale ?

Le syndrome de l’imposteur révèle une estime de soi défaillante, une difficulté à se vivre comme une belle et bonne personne, dans son unicité et sans condition. Les valeurs dominantes de nos sociétés nous invitent (nous contraignent) à fonder notre estime sur nos performances. Roland Gori, psychanalyste, dit : « Nous évoluons dans un univers qui considère la vie comme un champ de courses, avec des résultats à atteindre, des scores à réaliser. […]. Il faut plus que jamais se vendre ! ». Ainsi, notre sentiment d’estime devrait en priorité se construire sur nos qualités d’être, l’alignement de nos comportements à nos valeurs, la conviction du caractère sacré et essentiellement aimable de notre personne. Cependant, ce sentiment va subir des hauts et des bas selon les succès, la reconnaissance extérieure tirée de nos prestations. Le faire supplante l’être, le jugement l’emporte sur l’accueil.

Vous vous êtes reconnu-e… comment faire pour s’en protéger ?

  • En parler. La simple connaissance du phénomène, du fait que nous sommes nombreux à le vivre, que l’on n’est pas seul-e, permet de prendre du recul.
  • Développer sa capacité à se donner à soi-même de l’empathie. Plutôt que de se juger, de se traiter de tous les noms d’oiseaux, c’est devenir conscient-e de ses émotions en les ressentant corporellement et les accueillir comme telles, sans chercher à les contenir. Se dire à soi-même, ou plus exactement à l’émotion qui nous traverse, « je suis là pour toi, je comprends ce que tu vis et tu es bienvenue ».
  • Identifier toutes les suppositions et prévisions catastrophistes qui nous traversent l’esprit. Il y en a beaucoup ! S’arrêter, se recentrer sur les éléments factuels et voir également le positif de la situation.
  • Tenir un journal des compliments reçus et des réponses données (sont-elles une manière de se discréditer ?), ainsi que les réponses alternatives possibles. Ce matériel servira ensuite à identifier les talents, compétences, qualités qui sont régulièrement relevées.
  • Prendre le temps de célébrer, non pas les résultats mais les efforts fournis.

Conclusion

Bien sûr, notre imposteur peut également constituer un puissant moteur à nous dépasser et à relever les défis. À la condition que le doute sain, la faculté de remise en question légitime se portent sur nos actions et pas sur notre personne. En effet, la disqualification de soi systématique, l’auto-jugement ne poussent qu’à l’inhibition et à la souffrance.

Bel été à apprivoiser votre imposteur !


Fabienne Brügger Kauffmann, formatrice indépendante et psychologue du travail FSP